Qui
observe qui ? Qui observe quoi ? Qui en nous observe
?
" La pensée comme la photographie passe par le prisme du regard.
Elles ont en commun ces impressions, ces clichés qui se fixent sur un support
sensible, que ce soit nos émotions ou bien une pellicule. Nous les archivons
dans notre mémoire ou dans nos albums pour constituer le champ de notre
expérience.
Il y a une distance entre le sujet de notre vision et
nous-même comme il y en a une avec l'objectif d'un appareil photo et le sujet
que nous désirons saisir. Notre conscience évalue cette distance en reliant le
sujet à l'objet. Notre position d'observateur n'est pas toujours objective car
elle est fortement influencée par nos émotions, nos sentiments personnels ou nos
considérations esthétiques. Nous éprouvons une difficulté à choisir la bonne
focale pour distinguer ce qui est vrai, juste, ce qui est réel en dehors de
toute influence.
Ces observations reposent sur le cadre de notre pensée, notre état
d'esprit, notre dimension émotionnelle, ce cadre qui en photographie donne la
proportion et la dimension du sujet. Paradoxalement, nous éprouvons une
difficulté à discerner la réalité.
Notre conscience oscille entre le vrai et le faux, le bien et le
mal, la beauté et la laideur dans une dualité où nous opposons un principe à un
autre comme si nous étions collés à notre sujet. Nous oublions cette distance
comme si nos yeux oubliaient qu'ils regardent au travers d'un objectif dont
l'image est renvoyée par un miroir.
Est-ce parce que nous ne développons pas suffisamment le recul
nécessaire pour saisir et comprendre objectivement ce que nous voyons que notre
vision de la réalité devient subjective?
La photographie exige qu'il y ait un équilibre entre le temps de
pose et la lumière. La pensée est comme la lumière, elle dépend non seulement de
la distance avec l'objet de notre réflexion mais aussi du laps de temps que nous
prenons à réfléchir sur le sujet. Elle exige une distanciation, une distinction,
une présence d'esprit à être dans l'instant. La présence à ce qui se passe est
l'élément déclencheur du photographe ce qui le distingue du penseur qui doit
avoir la présence d'esprit de saisir la réalité d'une
situation.
L'objectif est l'élément majeur d'un appareil photo. La qualité de
l'image dépend de la manière dont nous l'utilisons, comment nous réglons
l'obturateur, comment nous effectuons la mise au point pour que la profondeur de
champ soit juste, que le sujet soit net, bien cadré et bien éclairé. Celui qui
arrive à la maîtrise de son appareil devient un opérateur attentif au service du
sujet qu'il veut fixer objectivement pour traduire une
émotion.
La conscience est un mécanisme essentiel de la nature humaine qui
pour fonctionner objectivement doit s'affranchir du conditionnement moral qui
dépend de notre éducation, de notre origine sociale, ethnique, culturelle ou
religieuse. En devenant objective, cette conscience s'inscrit dans une dimension
universelle unissant tous les êtres qui développent leur humanité par une
éthique personnelle.
Celui qui développe cette acuité acquiert la maîtrise de soi par
la connaissance et la compréhension de sa propre nature. Il peut ainsi mieux
analyser ce qu'il ressent, jeter un éclairage lumineux sur ce qu'il vit, il peut
mieux cadrer son existence pour agir dans son rapport avec le monde. Il devient
le metteur en scène de sa vie en sachant se relier à celle des autres. Il comble
cette distance en s'incluant lui-même consciemment et authentiquement. C'est
peut-être là le vrai sens de la distinction, du discernement pour intégrer la
réalité de sa dimension émotionnelle.
Comme tout créateur désirant posséder le sens de sa création, le photosophe
en s'exposant, cultive son aptitude à manifester la plus belle expression
de lui-même. "
C'EST UNE
CONVERSION DU REGARD SUR LE MONDE...
MAIS C'EST VOUS QUI VOYEZ
!
La vidéo narrative du
livre
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